dimanche 17 août 2014

Féministe, moi ?


Ce billet / poste/ article, je l’ai initié il y a plus d’un an je crois (et c'est la suite de ce que j'exprimais déjà un peu ici). Mais j'ai du mal à l’écrire, tout ne va pas comme je le souhaite, du mal à trouver le ton juste, sur un sujet qui, cependant, me tient à cœur (comme ça : ♥).
Un sujet qui me fait réfléchir souvent, pour lequel j'ai du coup pas mal à dire. Et pour lequel j'en lis un peu aussi.

Mais de quoi on parle : d’être une meuf, aujourd’hui, en France et dans ce bas monde en général (sauf que je vais déjà parler de ce que je connais donc on va éviter de tout généraliser).

Une Femme... Avec un grand F.

Féministe ? Vielle école ? Carriériste égoïste qui ne veut pas avoir d’enfant ? Féminine ? Aguicheuse ? Complexée ? Trentenaire ? Bosseuse ? Intuitive ? Célibataire ? Indépendante ? Impulsive ? Raisonnable ?


Voilà.

J’en passe sûrement mais ce sont les adjectifs qui me viennent à l'esprit aujourd’hui pour me décrire avec plus ou moins de justesse.
Va faire des cases avec tout ça !
Aujourd’hui il y a des tas de façon d’être une nana. Et être une Femme ne veut en soit pas dire grand-chose. Je ne me sens pas nécessairement investie d’une cause à défendre au nom de mon sexe et de mes sœurs (hey sister! girl power!).

Et pourtant


Au cours de conversations parfois, j'en viens à me poser la question sur mon engagement féministe. Et à priori je ne suis pas la seule, Biba (le magazine féminin pour les 25/trentenaires qui distille conseillent futiles et grandes vérités sur la vie de meuf d'aujourd'hui) en a même fait un article (il y a plus d’un an, hein donc…) : "Non, le féminisme n'est pas un gros mot". OK. Mais moi j'en suis où ?

Reprenons depuis le départ. En fait je crois que c'est l'injustice en général qui me pose problème : l'homophobie, le racisme, la xénophobie, le machisme, tout ça quoi... Mais pas que. Le communautarisme m'ennuie (échangeons, partageons, ne nous replions pas), la discrimination positive comme négative m'interpelle ("pourquoi en arriver là ?"). Et de fait, je suis une nana, et on ne peut pas dire que la situation soit particulièrement propre et claire sur le front des (in)égalités Femmes / Hommes.

Cette conscience là m'est venue progressivement.
En lisant le ELLE toutes les semaines par exemple. Parce qu'on aura beau dire (à raison) que le magazine est un déballage de pubs et de nana mineures de moins de 50kg pour 1m80 dans des fringues inabordables, on ne m’enlèvera pas de l'idée qu'il est un des rares hebdomadaires à interpeller très régulièrement son lectorat sur la place, les droits, les devoirs et l'évolution des Femmes en France et dans le Monde.
En avançant dans ma vie de Femme aussi. En voyant des amies et collègues devenir mères en sacrifiant leurs grandes idées sous la pression de la société (ou pas d'ailleurs, certaines vivant très bien sans grandes idées sur ce sujet), en voyant mon statut de jeune nénette blonde pas trop mal foutue m'ouvrir des portes mais m'interdisant tout droit à l'erreur (au près de mes collègues féminines aussi), en entendant mon sexe (féminin donc) comme argument pour justifier des écarts de salaire à travail égal pour certaines de mes concitoyennes, ...
Et aussi en discutant avec des hommes dont les droits de père peinent à être reconnus.
Parce que, qu'on le veuille ou non, je suis persuadée que l'égalité Femmes / Hommes passera de toute façon en partie par la reconnaissance des papas dans la gestion des enfants. Peut être qu'ainsi la société arrêtera de voir en nous le gage de la perpétuité de l'espèce, uniquement des MAMANS, actives, en devenir ou en sommeil.

De mes lectures sur le sujet, je me souviens entre autre de...

La plus belle Histoire des Femmes, où Nicole Bacharan mène une série d'entretiens avec Françoise Héritier, Michelle Perrot, Sylviane Agacinski. De l'antiquité à la société moderne, elle raconte cette histoire à travers les âges où la femme est avant tout mère, ou en tout cas génitrice, avant d'être un être humain. Comment le viol des femmes devint une arme de guerre, la possession des générations futures et donc des femmes qui vont leur donner la vie, les droits des femmes à posséder (justement) quoi que ce soit de matériel, à disposer de leurs corps pour elle, et non uniquement pour enfanter ou satisfaire le désir des hommes, des vrais, ceux qui pensent.
Morceaux choisis (Éditions du Seuil, 2011) :
"[…] la reconnaissance du viol comme crime commis contre une femme, et non contre son mari ou son père, est d'ailleurs très récente".
"Dire que les femmes ont le droit de se vendre, c'est masquer que les hommes ont le droit de les acheter [...] Aucune femme n'a jamais rêvé d'être prostituée toute sa vie, et ce statut n'a rien d'inévitable"
"La bourgeoisie contrôlait assez bien les naissances alors que les familles ouvrières avaient des ribambelles d'enfants. Dans ces milieux, c'était très difficile : les femmes étaient gênées pour en parler, elles étaient habituées à considérer que c'était l'affaire de l'homme. A lui de "faire attention" ; elles, elles se débrouillaient, quitte à avoir recours à l'avortement."
"Les femmes sont de plus en plus actrices de l'Histoire, et nos sociétés leur doivent beaucoup. Si, aujourd'hui l'individu y a plus de prix, c'est pour une part grâce au féminisme. Féminisme et démocratie, féminisme et individualité : ce sont des valeurs qui vont ensemble."
"Pour Freud, la différence anatomique s'inscrivait dans une logique du manque : l'"autre" est celui (en l'occurrence celle) qui n'"en n'a pas". Mais, quoi qu'il en pense, les seins d'une femme sont beaucoup plus visibles que le pénis d'un petit garçon. Il m'a toujours semblé curieux qu'il ait imaginé qu'une petite fille, à ce propos, se dise forcément : "Voilà quelque chose que je n'ai pas, et qui me manque"."
"[Gilles Lipovetsky] croit que "le leadership au masculin ne requiert aucun sacrifice du rôle de père". Il a bien tort - les pères abandonnent parfois beaucoup - et il n'envisage pas que leur rôle puisse évoluer. En ce cas comment celui des mères pourrait-il se modifier?"
"[...] on ne peut pas comparer la différence de sexe avec une différence de "race" ou de religion. Les "races" sont des mythes, des constructions pseudos scientifiques faites pour enfermer les êtres humains dans une identité naturelle immuable (Race sans histoire, Maurice Olender, Paris, Seuil). Les religions sont faites de croyances et de pratiques communes, ce sont des façons d'interpréter le monde, de donner un sens à la condition humaine, y compris la condition sexuée. La distinction de sexe repose quant à elle sur une division anthropologique tenant au fait que nous sommes des êtres vivants, qui naissent, qui meurent et se reproduisent sexuellement. Elle est donc universelle, ou, si vous voulez, naturelle, au sens où, relative à la génération, elle conditionne les cultures et les civilisations."
"Faute de déconstruire les mythes, on reste prisonnier de cet imaginaire et du "casting métaphysique des sexes" : l'homme se définit par son esprit, parce qu'il a été créé à l'image de Dieu, et la femme par son corps, parce qu'elle a été créée pour donner une descendance à l'homme".

Je suis une créature émotionnelle de Even Ensler (l'auteur des monologues du vagin). L'auteur au travers de poèmes, récits, anecdotes, retracent la vie des adolescentes des filles du monde.
Morceau choisi tiré de l'introduction (Éditions 10/18, 2011) : "J'ai beaucoup pensé à ce que signifie "plaire". Plaire, exaucer les désirs ou la volonté des autres. Pour satisfaire aux diktats de la mode, nous nous affamons. Pour satisfaire les garçons, nous nous forçons quand nous ne sommes pas prêtes. Pour satisfaire les filles populaires, nous finissons par nous comporter mal envers nos meilleurs amis. Pour satisfaire nos parents, nous devenons des machines à réussir. Quand on veut plaire, comment rester fidèle à soit-même ? Comment faire pour savoir quels sont nos propres besoins ? Que ne doit on pas sacrifier pour plaire aux autres ? Je pense que le souci de plaire rend le monde trouble. Nous perdons notre propre trace. Nous renonçons à proférer des slogans revendicateurs. Nous arrêtons de décider de nos vies. Nous attendons d'être sauvées. Nous oublions ce que nous savons. Nous rendons tout acceptable plutôt que vrai."

Ainsi soit Benoîte Groult, le roman graphique (ou grosse BD) de Catel, retraçant ses échanges sur la vie de la "romancière et pionnière du féminisme" née en 1920 et qui pris part aux combats du féminisme du siècle précédent (l'avortement, le divorce, la féminisation des noms de métiers, etc.
Morceaux choisis (Éditions Grasset & Fasquelle, 2013) :
"Les hommes se choisissent un AVENIR et mettent ensuite une femme dedans. Les femmes, elles, choisissent un HOMME et mettent ensuite un avenir autour."
"Le féminisme n'a jamais tué personne. Le machisme tue tous les jours."
"C'est toujours dans le domaine du prestige que ça coince pour les femmes, parce que dans le domaine de l'injure, on n'a jamais eu de mal à les qualifier d'emmerdeuses".

Alors oui, je sais, tout de même, tout n'est pas QUE négatif, j'ai grandit en France, pays où quelques générations avant moi se sont déjà battues. Pays où, mine de rien, j'ai des droits, une chance à saisir, des possibilités, et je suis d'une génération qui n'a de cesse de se ré-inventer.
Tout n'est pas à jeter...
Mais la vérité, c'est que le sexisme et le machisme ordinaire, celui du quotidien, lui est bien ancré. Vicieux il s'immisce un peu partout, tous les jours, devenant presque invisible tellement il l'est (visible). C'est un combat de chaque instant pour ne pas l'oublier, et surtout ne pas le laisser devenir la règle. Sans devenir complètement psychopathe, sans perdre son humour, sans traiter tous les mecs de gros pervers et de gros machos, sans mettre tout le monde dans le même sac, et sans tomber dans un communautarisme que, rappelons nous, je refuse.

Voilà pour les quelques réflexions théoriques.

Et puis il y a plus lourd, plus fort, parce que si réel.
Ces derniers temps se sont développées sur la toile et ailleurs des initiatives pour dénoncer le harcèlement de rueIl s’agit d’une pratique de harcèlement sexuel courante consistant, pour des hommes, à adresser aux passantes des remarques sur leur apparence physique, leur tenue, à les insulter ou à leur faire des propositions de nature sexuelle.
(Définition wikipedia sur base d’une description faite par le HuffingtonPost)

Je n’ai jamais été victime d’attaques physiques. Il m’est arrivé cependant d’entendre des mots brutaux, désagréables, et complètement déplacés, comme cet homme qui avait l’age d’être mon père, où même plus âgés et qui m’a hurlé dans la rue "ouh ! Ce joli petit cul, j’en mangerais bien".
Je n’ai rien répondu.
Je suis partie.
Mais de quel droit ? Et quelle connerie sociétale pour expliquer que la honte se soit portée sur moi, et non sur cet homme ?
(Je vous suggère de suivre les quelques liens ci après si vous souhaitez des exemples : Diglee sur le site madmoizelle, Diglee toujours sur son blog, Tinhy dans son journal de blog, etc etc etc.)



Viennent aussi les regards, les réflexions pas méchantes ou moins vulgaires, mais toujours déplacées.

Tout cela est réel, fort, lourd… Et grave.

J’en ai déjà parlé ici et , la dragouille de rue m’amuse ou me saoule, c'est selon. Mais où est la frontière ? Ou s’arrête la réflexion pourquoi pas flatteuse pour devenir éventuellement déplacée, et où commence le harcèlement de rue ?

Des questions qui viennent s'ajouter à d'autres, dans mon quotidien :
    • Comment être féminine et me sentir jolie sans pour autant donner à certains l’impression qu’ils peuvent s’adresser à moi comme si j’étais juste (pardonnez moi l’expression) un morceau de viande bon à baiser (la notion de "plaire") ?
      Fausse question car au fond de moi je reste persuadée que je pourrais me balader à poils ça ne donnerait A PERSONNE le droit de m’agresser physiquement ou verbalement, mon corps reste mon corps, même débarrassé de ses attributs modesques. Et le respect c'est tout le temps, toujours, et pour tout le monde.
    • Comment rester soit même, avec ses impulsions, ses réactions, sans pour autant être cataloguée comme nana susceptible au boulot ?
      En essayant de toujours garder en tête ce qui est de l’ordre du professionnel et le séparer de la réflexion trop facile, tout en restant moi-même, droite dans mes talons de 12.
    • Comment envoyer bouler les gros relous mal polis et ne pas rester sans rien dire sans pour autant se fermer et envoyer valser tout être de sexe masculin qui pourrait s’approcher ?
      En gardant l’équilibre avec moi-même et en essayant de prendre du recul, indépendamment d’une situation, d’une pression sociale, d’une quête de plaire, de copines mal lunées, du fait qu’il fasse nuit et que je sois dans une ruelle sombre.
      Pour illustrer cette dernière question je vous invite à regarder la vidéo du meufisme. Il s’agit d’une mini série qui met en image les paradoxes, interrogations et autres moments quotidiens de nous, les meufs. Et celui-là d’épisode, a sonné bien juste à ma vie de parisienne.

      Qu’est-ce qu’on fait avec tout ça ? Avec ce gloubiboulga de réflexions, de citations, de pensées contradictoires ?

      Et bien on continue, à jongler, à chercher l’équilibre, à se poser des questions pour essayer de trouver quelques réponses qui, je l’espère aideront mes mini nièces d’amour ou même le plus chou des chouchous à grandir dans un Monde où l’on peut être heureuse d’être une nana, en rire et partager de jolis moments avec messieurs les garçons, dans le respect, sans la peur. Parce que la PEUR est peut être le pire de tous les sentiments, le plus à même de générer le pire.
      On se renseigne, sur ce qui se passe, sur comment évoluent les pensées, on essaye de prendre du recul sur les sentiments qui se généralisent (que ce soit la banalisation, la dramatisation ou la prise de conscience). On dénonce et on témoigne. On écoute et on partage.
      On participe à des initiatives comme "Colère : nom féminin" (une association qui met en vente débardeur et tote bag avec des slogans un peu provocs pour sensibiliser et dont les bénéfices servent aux associations qui œuvre contre le harcèlement de rue, les violences faites au femmes d’une façon générale, ou les agressions LGBT, etc.). Moi j’ai ENFIN reçu mon sac à mon retour de vacances. Et je l’aime pour son côté un peu provoc, justement, pour sensibiliser…
      Enfin, on n’oublie pas de sourire, comme ce soir de juillet 2014 où, sortant du métro la fourche, un zouzou
      Tote bag "colère : nom féminin"
      - Ta main sur mon cul ma main sur ta gueule -
      Chaussures qui claquent : kg by KURT GEIGER
      du quartier un peu rouleur de mécanique m’a dit "eyh mademoizelle, je pensais pas dire ça un jour à une nana mais franchement, j’adore tes chaussures". Il a sourit. Il est parti sans rien demander de plus. Faut dire qu’elles claquaient graves les shoes en questions. Et moi jeune homme, je veux bien vivre dans un monde où même toi et ton survèt vous savez vous en rendre compte, sans forcément que ça devienne désagréable.

      C'est un combat éternel que j’aimerais bien qu’on mène ensemble.

      Il en vaut la peine.

      xxx

      1 commentaire:

      Tinhy a dit…

      Coucou ! Oh excuse moi, j'avais commencé à lire ton article sur mon téléphone pendant que je surveillais les enfants et puis je me suis arrêtée parce qu'avec des hurlements en fonds sonores : c'était pas possible.

      En tout cas j'ai vraiment adoré ton article. Le féminisme et les sujets qui tournent autour de la femme m'intéressent énormément comme tu as pu le remarquer. J'ai beaucoup aimé les citations que tu as mises. Comme tu l'as dit, c'est un combat de tous les jours et parfois dans lequel j'aimerais moi aussi m'investir davantage. Il faut également que je me commande le tota bag de Colère : Nom Féminin, je le ferais une fois de retour en France.
      Mais la vraie question est : que faire ? C'est tellement ancré dans les mentalités qu'on a parfois envie de baisser les bras...
      En tout cas, oui, on garde le sourire car on a trop tendance à se souvenir des gros relous...

      Bref, je te remercie pour cet article et pour le lien que tu m'y as fait. J'avais beaucoup aimé les articles de Diglee à l'époque. Je vais m'y replonger :)

      A très bientôt !