vendredi 2 mai 2014

En plein ♥

C'est pas l'inspiration qui manque, c'est le courage à la mise en place des idées plutôt.

Philippe DelermAlors en attendant je vais emprunter les mots de Philippe Delerm, grand auteur de petits textes (dont j'ai déjà un peu parlé ici). J'ai souvent un de ses bouquins qui se ballade dans mon sac, pour accompagner le quotidien, attendre un(e) retardataire, faire autre chose que regarder par la fenêtre dans le bus, passer 2 minutes sur un banc au soleil en prenant un air intelligent (même si soyons clairs je fais alors semblant de bouquiner car évidement j'écoute les conversations autour de moi), bref mettre un peu de magie en 2 temps 3 paragraphes.

Son dernier ouvrage "je vais passer pour un vieux con" est sorti en poche (collection Points). Et au détour de la page 79, j'ai dit "d'accord Monsieur Delerm, je me tais et j'apprends, par ce que vous sonnez bien juste à mon sens de la tournure de phrase".

C'est peut-être mieux comme ça

Si la sagesse salue la résignation, c'est que la vie est triste. Bien sûr, les contextes où l'on peut entendre "C'est peut-être mieux comme ça" sont multiples. Mais la séparation amoureuse domine, en nombre et en intensité. Il y a toujours un quitteur et un quitté,  aucune phrase n'y peut rien, et surtout pas celle-ci, qui voudrait réduire la fracture, avec effet anesthésiant. Mais ce n'est pas possible. La musique même de ces mots est cadencée dans un registre d'amertume et de mélancolie poignant. C'est le ou la quitté(e) qui dit cela, avec un air faussement résolu, une petite avancée pitoyable du menton, le regard qui passe au-dessus de l'ami, de l'amie - il ne faut rien répondre.
Le pire, c'est que le délaissé a toujours raison. Seul le peut-être est de trop. Comme il est joli ce peut-être. Il contient toutes les illusions mal effacées, les sources mêmes du malentendu prévisible, encore avivées par les bons moments vécus ensembles, les rêves qu'on croyait partager. C'est le peut-être, qui fait mal. Au cœur d'un jugement presque objectif - oui, c'est mieux comme ça - on se donne avec le peut-être le coup de couteau douloureux de l'espérance, il n'y aura pas de cicatrisation.
Mais le mieux est fort aussi. Ce qu'on appelle mieux, c'est le moins bien, le retour à une estimation restrictive de sa propre vie. Il va falloir se contenter d'être sage, minorer ses jours, ses joies, ses peines, ne plus croire à ce qui n'était pas fait pour soi. Il y a quelqu'un derrière évidemment, quelqu'un qui nous dit que notre vie ne lui fait plus envie. Souffre-t-on davantage de désirer encore la vie de l'autre, ou de ne plus être pour lui une vie désirée ?
Avec cette phrase on revient à soi-même, à un plus petit que soi, que l'on maîtrise avec beaucoup trop de justesse. L'amour était tout le contraire, ce n'était pas peut-être ou mieux. C'était comme ça.


Au passage vous parler aussi du film "Pas son genre" du réalisateur Lucas Belvaux avec Émilie Dequenne et Loïc Corbery que j'ai vu hier. Touchant là encore. En plein cœur... Et une scène de fin magique, sur un air de Karaoké pour mettre la cerise sur le gâteau de 2 bien bons acteurs.

xxx

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