dimanche 10 novembre 2013

Coup de p... - Edito du ELLE (8 novembre 2013)


Il y a des moments où, j'aurais beau chercher, je n'arriverais pas à exprimer mes idées mieux que ce que je viens de lire. C'est ce que j'ai ressentis vendredi matin, en attendant mon 81, arrêt La Fourche.

Coup de p...
Ce qu'il faut vous dire, pour mettre un brin de contexte : j'ai entendu parler récemment (moins de 2 ans) du manifeste des 343 salopes paru en 1971 dans le nouvel obs. J'ai trouvé ça fort, en me demandant pourquoi on ne m'avait pas plus parlé de ces femmes. Et j'ai entendu parler il ya une semaine, dans l'avion qui m'emportait vers Toulouse, des 343 salauds. L'idée m'a heurté. Au delà d'un débat qui je dois l'avouer me dépasse un peu, je remercie Dorothée Werner d'avoir mis par écrit ce qui me chamboulait sans pour autant réussir à l'exprimer.

C'est avec Elle que je vous laisse donc.

-------------------------
Coup de p...

Doit-on revenir encore sur la petite affaire ? Doit-on remettre une couche sur ces « 343 salauds » autoproclamés, leur pétition, et leur invraisemblable slogan : « Touche pas à ma pute ! » ? Oui, trois fois oui, et tant pis si cela fait encore un peu plus de publicité à la revue « Causeur » et à sa directrice de la rédaction, Elisabeth Lévy, ou à Frédéric Beigbeder, à l’origine de cette initiative. Dans ce texte bâclé*, ces messieurs entendent s’opposer à la position abolitionniste du gouvernement et à son projet de punir les clients de la prostitution, en faisant un clin d’œil historique. Il faut redire, au moins pour les plus jeunes, à quel point cette référence est un lamentable tour de passe-passe. Rappelons que le Manifeste dit des « 343 salopes », paru dans « Le Nouvel Observateur » en 1971, avait été rédigé par Simone de Beauvoir et réunissait des femmes qui osaient dire tout haut qu’elles avaient avorté. C’était la France de Pompidou, l’avortement était illégal et on ne rigolait pas avec ça. Effectué clandestinement, il était considéré comme un crime. Ces 343 femmes, parmi lesquelles Marguerite Duras, Françoise Sagan, Marie-France Pisier, Delphine Seyrig, Agnès Varda et beaucoup d’anonymes non protégées par leur célébrité, risquaient donc la prison. Quatre ans avant la légalisation de l’IVG par la loi Veil de 1975, elles étaient des héroïnes qui luttaient à leurs risques et périls pour la liberté de disposer de leur propre corps. Ces 343 petits messieurs, eux, veulent pouvoir continuer à disposer du corps des autres, comme l’a souligné la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem.


Simone de Beauvoir en avalerait son turban… Il est loin le panache d’antan. D’autant plus que pas un seul des signataires, qui se rêvent en libertins couillus et sulfureux, n’ose avouer avoir déjà effectivement payé un(e) prostitué(e). Ils n’auraient pourtant rien risqué pénalement à le faire, sauf peut-être choquer leur maman. Il y a quelque chose de pathétique à voir des gens lutter contre le « sexuellement correct » en défendant ce qui est peut-être le cliché sexuel le plus éculé du monde, celui de la prostituée non seulement consentante, comme le dit leur texte, mais jouissante. Légaliser ou pas, abolir ou pas, punir ou pas les clients ? Les débats à venir étudieront ce qui protège le plus les prostitués, hommes et femmes, mais une chose est sûre, et mérite visiblement d’être redite : la prostitution est une domination économique et sexuelle d’un groupe humain sur un autre.

* causeur.fr/touche-pas-a-ma-pute
 
xxx

Note : cet article est un copier/coller à l'identique de la version disponible sur le site www.elle.fr, identique à la version publiée dans le magazine ELLE du 8 novembre. Les liens présents dans l'édito sont les liens tels que définis sur le site Internet.

Aucun commentaire: