dimanche 31 mars 2013

Moments littéraires

En ce dimanche soir, je vais partager avec vous quelques auteurs "classiques" de la littérature contemporaine française. Des indémodables.

Un peu de Françoise Sagan tout d'abord. Bonjour Tristesse et Des bleus à l'âme. Le style est vif, les phrases courtes, les descriptions simples. Il y a quelque chose chez Sagan de "droit au but" (Marseille en moins). Et de juste. La justesse des mots, c'est bien là la recherche de l'écrivain. Le premier fut écrit alors qu'elle avait 18 ans. C'était en 1954 et vu que 60 ans plus tard, ça souffle toujours la modernité, j'aurais aimé voir ce que ça donnait à l'époque.
Françoise Sagan a écrit une trentaine de roman. J'ose imaginer certaines inégalités, mais ces 2 là donnent déjà envie de voir un peu plus loin. La justesse des sentiments version Sagan, avec un brin de sulfureux et de politiquement incorrect. Juste un brin.

Daniel Pennac ensuite, et évidemment. La justesse du mot, toujours.
La relecture de Messieurs les enfants qui nous donne ces phrases volés :
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L'imagination ce n'est pas le mensonge.
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Pas ce qu'on appelle vieillir, pas cette dégringolade de la chair autour d'un regret de jeunesse, ni cette calcification du cœur au nom du réalisme.
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La vérité ne vient de nulle part, la vérité ne sera jamais distribuée dans votre boîte aux lettres... [...] La vérité n'est pas un dû ! La vérité est une conquête, toujours !
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Ce qui complique tout, c'est que la plupart des enfants font les enfants, et que presque tous les adultes jouent aux adultes. C'est très difficile d'évaluer l'âge.
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Il faut maudire les morts en attendant de les retrouver. Tous ces salopards tant aimés qui n'ont pas pris le temps de nous attendre.
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- [...] si tu traites encore une fois ta sœur de conne, je t'en retourne une. On ne traites jamais les filles de conne
- Et si elles sont connes ? Il y a bien des connes quand même ?
- On s'arrange autrement.
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C'est sa durée, et elle seule, qui authentifie le réel. Qu'un cauchemar ne finisse pas, il devient votre réalité, et il faut bien faire avec. Que votre vie s'achève, elle n'était qu'un songe, et il faut bien ne plus faire avec.
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- [...] C'est facile de ne croire en rien, de se moquer de tout le monde...
- Je ne crois qu'aux actes, mon amour. Les petits actes. Les touts petits. Les chiants. Ceux qui font le bonheur du jour et du périmètre, pas plus. Quant aux paroles... Nous avons beaucoup parlé, ma génération et moi, beaucoup, vraiment... Tu vois le résultat ?
- Et les sentiments ? Demandait Tatiana.
- Des sensations qui ont pris la parole.
- C'est agréable à entendre. Vive l'amour...
- L'amour, mon amour, est une somme de petits actes qui racontent en silence une histoire précaire.
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Il ne faut pas cracher sur les jeux de mots. Les plus mauvais vont aux meilleurs amis. C'est l'ineffable prix de l'intimité.
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Le 6ème continent (précédé de Ancien malade des hôpitaux de Paris), dernier sorti, et attrapé au vol à quelques minutes d'un départ en train vers Nantes, un soir à la gare Montparnasse, entre le ELLE et le Biba, dans le Relay.
Si je cite l'auteur, il s'agit d'un drame familio-planétaire en 30 mouvements.
Et ça donne ça :
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Théo à l'avant scène. Il jette mollement des cailloux dans l'eau.
Plouf... Plouf...
THEO : Il n'y a pas mieux que la plage pour se sentir fils unique.
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On ne suicide pas l'Humanité, elle fait très bien ça toute seule ! Suicidaire, elle travaille à sa mort tous les jours. Hypocondriaque, elle en recul tous les jours l’échéance. Elle déploie sur l'océan une couverture qui l'étouffe tout en cherchant comment ôter cette couverture... pour mourir un peu plus tard. Un peu plus tard, Théo... tout est là... Mourir un peu plus tard, ça leur suffit !
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Et le roman d'Ernest et Célestine. Le livre du scenario de l'excellent film d'animation sorti en décembre dernier, réalisé par Benjamin Renner, Vincent Patar et Stéphane Aubier avec les voix de Lambert Wilson et Pauline Brunner. Le scernario de Pennac (donc), et la musique de Thomas Fersen, comme une cerise sur le gateau.
Le livre apporte, en plus du joli souvenir, un dernier chapitre très touchant, une mise en perspective, par ce qu'il y a toujours une histoire avant l'histoire pour justifier une si douce adaptation
Juste une petite citation. Si juste justement...
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Célestine,
tout à coup,
se sentit seule.
Si seule,
si loin de chez elle
tellement abandonnée au fond de cette cave
que son coeur
son coeur
prit toute la place dans sa poitrine
et que les larmes
les larmes commencèrent à monter...
Vous savez quand elles montent,
les larmes,
et qu'on essaye de les retenir...

Et pour finir, un autre auteur français que j'aime beaucoup pour ses petites descriptions volés de moments que l'on croit intimes mais qui sont finalement universels. Philippe Delerm et son livre Paris l'instant, illustré des photographies de Paris (évidemment) par Martine Delerm.
L'adaptation graphique est de davidpaire.com. Ça rajoute au clin d'œil.
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Il y a du monde, trop souvent en short, appareil photo dodelinant sur l'abdomen. Mais rien n'y fait, ni l'oriental graillon, ni les tee-shirts publicitaires : l'idée de Notre-Dame est là. Même sous le ciel le plus bleu, ce sont les ombres qui comptent, ces malandrins imaginaires vêtus de toile de jute délavée qui vont piquer les cartes American Express dans les poches revolver des touristes béats. Le présent n'est qu'un avatar un peu niaiseux, qui croit que son argent possède tout : mais le passé lui fait les poches.
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Rideaux de fer baissés, barrières vermoulues, toiles d'araignées au coin des fenêtres, entre le c'est et le c'était, dans un imaginaire de la somnolence. Des chiens errants, des vieux qui sortent en pantoufles pour aller jusqu'au boulanger maintiennent le secret d'une réalité sous-marine, et toutes ces histoires étouffées...
Pour qu'il y ait désaffection, il faut avoir aimé.

xxx




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