dimanche 11 janvier 2015

Difficile et captivant

Si je n'ai pas écrit beaucoup ces derniers jours ici, malgré une envie profonde de prendre le stylo, c'est que j'étais scotchée devant la TV, que j'ai noirci des pages d'un carnet avec un stylo, justement, et parce que j'ai écrit là-bas.

Le texte ci-dessous en est d'ailleurs extrait.

Peace out!

xxx

Difficile et captivant.

Le Figaro, le Parisien, Libération datés du 8 janvier et Le Monde daté du 9.

Aujourd'hui 10 janvier, pour la première fois depuis mercredi midi, je ne suis pas sur twitter. Si la radio a tourné une bonne partie de la matinée, j'ai fini par l'éteindre. La TV elle aussi est coupée. Et aucun fil d'actualité en temps réel d'aucun site de presse ne s'affiche dans mes onglets Internet. 
Overdose d'informations, 3 jours en recherche de la plus fraîche des nouvelle, droguée à la dernière actu. 
J'ai eu de quoi m'alimenter :
- L'histoire avec son lot de rebondissements, 
- Les journalistes sur le fil pour ne pas basculer dans l'erreur de la fausse information, ou celle de trop, ou celle manquée,
- Un smartphone et un ordinateur connecté, la TV, la Radio, et pour donner du concret, quelques Unes et quelques éditos achetés aux points presse que Paris offre encore.
Dans ce feu de l'action, nous viv(i)ons l'actualité en temps réel, la découvrant parfois en direct avec ceux qui la commentent et dont c'est pourtant le métier de nous éclairer. 
Alors je m'interroge...
Et puis, qu'en restera t'il dans quelques jours, semaines, ou années ? Quelle sera la suite et quels intérêts trouveront à nos yeux de lecteurs les analyses qui fleuriront, je le souhaite, avec un peu de recul ? Serons-nous déjà passé à autre chose ou trop lassés d'entendre encore parler de ce que nous voudrons alors "oublier" ?

Aujourd'hui, seul Facebook est encore ouvert sur mon écran. Je me concentre sur mes "amis", qui semblent avoir un seul sujet de conversation, commun, alors qu'ils ne se connaissent pas forcément : on relaie et on partage des commentaires, des statuts, des liens, on affiche sa participation à telle ou telle marche Républicaine.
Aujourd'hui LE sujet est dans toutes les têtes et dans tous les esprits. Certains d'entre nous ne dorment pas beaucoup depuis 3 jours.
J'en fais partie. 3 jours de veille. Et 3 jours à m'interroger.

Parmi ces français qui restent en éveil, je pense bien évidemment à nos politiques, aux forces de polices... et aux journalistes.
Les mines sont fatiguées sur les plateaux, la période est difficile. Peut-être autant qu'elle est captivante.
Certains ont perdus des amis, tous ont perdus des confrères. Tous se sentent attaqués dans leur droit de s'exprimer. Et si beaucoup le font dans une recherche de la neutralité qui caractérise ce métier qui se doit avant tout d'informer, tous savent comme la presse d'opinion, satirique, ou les illustrations humoristiques sont précieuses pour générer des débats nécessaires. Certains étaient présents, mercredi soir, place de la République et brandissaient un stylo accroché à une carte de presse.

Face à cette émotion, il y a les éditions spéciales à gérer, les prises d'antenne en continue, les infos à relayer plus vite que son copain de gauche (plus justement aussi) pour rester une référence, et puis les éditos de journaux dont on sait qu'ils seront, pour une fois, achetés par un grand nombre de personnes, pour archiver l'Histoire. Il faut avoir le bon mot sans avoir le temps de l'anticiper ou de le préparer. Il ne faut pas se laisser déborder...
Au matin du 8 janvier, certaines chroniques se sont faites dans les larmes. "Ce n'était peut être pas la meilleure radio" nous a dit Patrick Cohen sur France Inter.
Mais après tout pourquoi pas. C'était peut être le plus juste, pour une fois, de laisser parler l'émotion.

Europe 1 profitait ce matin de son émission MediaPolis pour faire un premier bilan sur le traitement des évènements par la station du groupe Lagardère, et rappelait les challenges auxquels sont alors confrontés les journalistes. Si le bilan est plutôt positif (en temps d'antenne, modifications de grille et gestion de l'information), c'est cependant sur Europe 1, lors de l'édition spéciale de Thomas Sotto vers 11h hier, que j'ai entendu pour la première fois, et la seule avant sa libération, qu'un jeune homme était caché des 2 frères dans l'imprimerie à Dammartin-en-Goële. Information sensible...
Les appels de la police ou d'autres officiels se sont multipliés sur twitter pendant toute cette journée de vendredi:
[] Ne perturbez pas le travail des policiers enquêteurs en diffusant de fausses informations ou
Mais les exemples de controverses ne manquent pas (cet article de Huffington Post en rappelle certains). Il n'est plus question d'attendre les déclarations officielles ou autres communiqués. L'antenne est prise. Sur les plateaux on garde son portable, les intervenants communiquent en direct avec leurs sources d'informations sur place et éventuellement, s'informent sur twitter. En attendant de pouvoir relayer des évènements précis, on cherche des témoins, des images... En tant pis si on le fait en direct ! Se multiplient aussi les appels aux riverains qui viennent témoigner avoir entendu des hélicoptères, des coups de feu, et depuis plus rien : ils sont calfeutrés chez eux, portes, fenêtres et volets fermés. Ils n'ont rien de plus à dire que ce qu'on a déjà entendu 10 fois. Mais ils occupent l'antenne. 
Et les TV spectateurs répondent présents ! Nul doute que les chiffres d'audience hebdomadaires ou mensuels vont donner la part belle aux chaînes d'infos. BFM et ITVréalisaient déjà mercredi des audiences records. TF1 et France 2 hier ont été performantes. La pudeur a voulu que personne ne s'en enorgueillisse. Et peu d'annonceurs en auront bénéficié (ils sont nombreux les écrans de pub à avoir été déprogrammés).

Plus loin du direct il y a les écrits. Jeudi c'est toute la presse qui a vu noir. Le Parisienfaisait un retour sur les différents attentats qui ont secoués le monde des media sur le sol français. Rien jusqu'à présent n'avait pris une telle ampleur : c'est méthodiquement que l'on a visé une conférence de rédaction hebdomadaire. Mais tous les journalistes, chroniqueurs ou éditorialistes n'ont pas le courage de ceux qui ont perdu leur vie mercredi. On parle bien de ceux qui parlaient haut et fort pour défendre une opinion : celle de rire de tout.
Les écrits c'est aussi la Une du Point parue aujourd'hui qui voulait montrer les choses sous leurs vraies visages. Une Une qui se veut courageuse, mais qui se trouve voyeuriste. 

Il est trop tôt pour prendre de la hauteur. Les émotions sont ici bas, le chagrin, la peur diront certains. Nous en sommes encore là, avec l'imprécision que cela peut donner, a certains traitement  d'information. Mais il le faudra. Il faudra analyser ce qui c'est passé. Il faudra analyser les conséquences de ces actes sur notre société, pour la regarder en face, une bonne fois pour toute. Il faudra alerter, informer sur les récupérations politiques qui ne manqueront pas. Et il faudra même, indirectement, analyser ce que ces évènements vont changer dans le monde des media et du journalisme.

Informer, décrypter, animer les débats.
C'est un bien beau métier que celui de journaliste. C'est le métier de ceux qui choisissent ou non de nous rappeler que nous sommes en guerre. Et que certains de par le Monde tuent, chaque jours, pour faire taire des opinions contraires. 
C'est une attention de chaque instant, nécessaire, pour bien le faire. Être juste, être vrai, être fiable, être rapide. Mais ne pas perdre le TV spectateur, lecteur ou auditeur qui garde son droit à vouloir, ou non, être informé.
Difficile, et captivant.
Beaucoup ont, depuis 3 jours, vécus ce qu'ils vivront rarement dans leur carrière. Et je pense que rien n'est fini.
Il nous faudra, à tous, recommencer à parler d'autre chose, aux media aussi. Pour le moment c'est en musique que je vous quitte... Mais sans changer vraiment de sujet.


"Je m'appelle Charlie" : l'hommage des... by franceinter



ER

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