Jeudi, 11h23. Je sors d’une réunion ennuyeuse
à mourir avec mon boss, son adjointe et une des nanas que je manage. Au
préalable c’est toutes portes ouvertes que mon boss et moi nous sommes hurlés
dessus, là, comme ça, comme 2 personnes trop énervées pour avoir la moindre
conversation constructive mais qui s’obstinent néanmoins à vouloir avoir le
dernier mot. En guise de conclusion à cette chouette succession de moments, c’est
sur le départ qu’il m’a remis ma lettre signifiant le refus de m’attribuer mon
DIF.
Nous sommes jeudi, il est 11h23, j’ai les
pieds qui me démangent d’aller voir ailleurs, et pourquoi pas, dans un premier
temps plus fun et insouciant, d’aller danser. J’ai le sourire qui a envie de
s’allumer avec des gens qui en valent la peine. Alors je relance. Quelques
jours au préalable, j’avais lancé cette innocente invitation pour aller boire
un verre. Les copines répondent présentes pour certaines d’entre elles. Ça sera
samedi…
Samedi, 19h15. Le rendez-vous est dans un peu
plus d’une heure, je pose sur mes yeux le troisième trait de crayon, ajuste
l’intensité du noir, repasse une couche de mascara. Mes yeux sont travestis.
Sous mon pull le tee-shirt blanc laissera apparaître mes dessous noirs. Mes
cheveux sont lissés et ajustés. Je chausse mes bottines rouges Patricia
Blanchet. Quelque soit la suite de la soirée, je suis parée à me sentir à mon
avantage.
20h30, la première copine est à l’heure.
Les deux suivantes n’arriveront que vers 21h15
ou 21h30. Nous discutons, entamons assez largement les bretzels, faisons
défiler les spritz en les attendant. Et puis nous voilà 4. Viens l’heure du
burger. On échange, raconte les derniers potins, les dernières histoires, les
derniers « must know ». 23h30, l’une bosse demain, l’autre est maman,
ne restent finalement que la première copine et moi.
Son mec, son chouchou, son chéri, son mari est
à quelques pas, avec des potes, quartier des Abbesses, ils boivent des verres.
Nous les y rejoignons. Ils sont 3 potes. Nous discutons. Une soirée parisienne…
La suite se joue au bus palladium, au milieu
de la foule, au milieu des gens, au milieu du bruit. Petit à petit la
salle se remplie. Dans nos dos on pousse, de plus en plus, de plus en plus
fort. La lumière est aveuglante, la musique me va bien. Gaby tu devrais pas me laisser la nuit, les histoires
d’amour finissent mal en général, j’ai tellement besoin d’amour, de tes bras,
ta voix de velours. Alors mes yeux se ferment pour échapper aux
stroboscopes, m'évader et pour cacher de mon champ de vision la copine et son homme, les
chanceux qui échappent à la règle générale de Catherine Ringer.
1h50, je cherche les toilettes. La queue est
là mais raisonnable. Dans la glace, face au
lavabo, face à mon reflet, mes yeux sont cernés du noir dont ils étaient sertis
quelques heures plus tôt. Je prends le temps de remettre les choses à leur
place, derrière moi on attend, je m’excuse, on se sourit, on se comprend. La
haut c’est la jungle et chaque groupe de copine pour soit. Ici bas il n’y a que
nous et les sourires sont mieux-veillants.
De retour dans la foule, l’un des 3 garçons
qui m’accompagne se fait draguer joyeusement depuis le début de la soirée.
Alors c’est ça les nouvelles règles du jeu ?? Ce sont les nanas qui
viennent draguer ces jeunes hommes ? Ce qui est sur c’est que nous sommes
un groupe de 2 filles et 3 garçons. Autour de nous je ne vois qu’elles. Et
quand ces messieurs s’en vont au bar, la magie opère et sans même que je ne le
comprenne, nous sommes cernées de ces garçons en moins de quelques minutes. Que
personne ici ne se leurre : la drague est ouverte et la danse peut n'être qu'une
excuse.
Moi, dans ces lumières, dans ces jeux de
regard et ces paroles criées aux oreilles des uns et des autres pour
s’entendre, je suis perplexe et un peu perdue. Depuis combien de temps ne suis
je pas rentrée dans ce dating world ?
Quelles en sont les règles ?
Ce matin encore je pensais les yeux humides à
cette histoire, à cet homme qui m’a brisé l’égo avec le cœur. Depuis lui,
depuis longtemps, il n’y a rien eu ou si peu, de jolies histoires qui font du
bien, mais des histoires filantes…
On rencontre des garçons, personne ne sait vraiment
si on est en couple ou non, on se rappelle, parfois, et puis souvent, au bout
de 3 semaines, on disparaît. Comme ça. Life
is magic. Ne nous laissons même pas le temps de nous connaître.
Alors ce soir c’est décidé : laissez moi
vous regarder, vous, là tous, qui semblez parfaitement maîtriser ces codes
que je ne mesure pas, ou en tous cas donnez si bien le change. Que faites
vous ? Que vous dites vous ? Qu’échangez vous ? Qu’espérez
vous ?
Vers 3h du matin la musique commence à sombrer
dans des beats un peu trop mécaniques. La sortie m’appelle. Dedans on fait la queue pour sortir. Dehors on fait la queue pour entrer. La nuit parisienne ne fait a priori que commencer pour
certains d’entre nous mais mon travail d’ethnologue s’est achevé sans encore avoir compris.
On se bise, là, sur un trottoir de la rue
Fontaine. Il est l’heure de se quitter, moi, je rentre à pieds. Une dernière
tentative d’approche par des loulous qui cherchent une nana pour rentrer avec
eux au bus palladium. « Moi j’en sors, alors bonne nuit messieurs ».
Je glisse les écouteurs dans mes oreilles et laisse l’aléatoire de mon ipod
jouer sur la playlist restreinte que je lui ai confectionné. Le hasard lui fera
choisir le chanteur à la guitare
folk qui m’a rappelé que la vie n’était que ce que je
voulais en faire. Je remonte vers la place de Clichy et vers chez moi. Mes
pensés partent seules vers cette autre histoire filante, cet autre garçon qui
m’a fait comprendre que les nuits de Paris avaient leur règles et que je ne les
maitrisais pas. J’ai laissé sur son numéro de téléphone, dans mon portable, un
point d’interrogation en guise de réponse a son soudain silence.
Parfois, Paris me laisse songeuse… Et ce soir,
entre les histoires d’amour qui finissent mal, ce noir sur mes yeux et mes dessous,
et mes bottines Patricia Blanchet, Paris me laisse avec un songe souriant… Le
songe vers ces histoires qui m’ont laissés avec mes doutes, mais qui ont fait
naitre en moi de nouvelles curiosités. Je sais avoir fait mon petit effet ce
soir. Mais je rentre seule et protège mon cœur car j’ai deux bonnes étoiles au
dessus de moi pour me rappeler que j’ai encore un peu à apprendre…
Aussi filantes soient-elles, les étoiles.
xxx
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